Ce que vos salariés pensent de vous
Combien mettraient-ils sur votre copie s’ils devaient vous noter?
Et quel serait leur commentaire ? Des progrès – A poursuivre -Travail sérieux – Peut mieux faire – Avertissement…
Encore un article pour flatter les salariés et taper sur le dos décidément bien large des managers ?
Absolument pas. Aucune leçon vengeresse dans cet article. Il ne s’agit pas d’évaluer votre costume de manager ou de patron. La démarche nous emmènerait vers domaines qui ne sont pas les miens, proches de la relation interpersonnelle.
Non, ma question porte sur la note que donnerait chaque salarié sur son « employeur juridique », sur l’organisation économique qui lui verse sa rémunération, bref sur sa boîte, pour faire court.
Et toi, c’est comment dans ta boîte ?
Que disent vos salariés quand ils parlent de leur boulot un samedi soir avec leurs amis ? Et sur un questionnaire à remplir, quelle note donneraient-ils à votre entreprise ?
J’imagine déjà les haussements d’épaules et les réponses rapides. «Pas besoin de demander, on le sait ce qu’ils pensent» … « Ils veulent tout le temps la même choses ». « C’est toujours le débat des places de parking qui reviennent aux salariés arrivés en premier » « C’est l’augmentation qui n’est pas assez forte »…
Passé cette première réaction, vous ne pensez pas qu’elle mérite d’être posée quand même, cette question?
Vous hésitez encore : #perte de temps #ils ne sont pas objectifs #ils ne sont jamais contents #ils ont déjà tout obtenu #ils en veulent toujours plus #ils ne se rendent pas compte…
Trois raisons d’écouter l’avis de vos équipes
D’abord, notre monde est pétri d’évaluation. On peut le regretter mais c’est ainsi. Les jugements et appréciations déferlent en permanence, les clients apposent leurs étoiles, les anonymes commentent sur Google toute adresse professionnelle, la propreté des toilettes publiques se ponctue de smileys, les avis d’amis pour aller voir des films importent plus que ceux des critiques d’art…
Autant s’y faire : tout le monde évalue tout le monde. Soyez certains que votre entreprise est jugée par chaque salarié, même si vous n’en avez pas connaissance. Recourir à cette pratique – parfois excessive je vous l’accorde – auprès de vos salariés, apparait naturel. Ils sont les premiers usagers de l’entreprise et les plus réguliers assurément. Ils en sont aussi probablement, la première ressource. Pourquoi vous priver de cette manne d’information ?
L’évaluation à double sens ?
Deuxième raison : la réciproque en termes d’évaluation existe depuis la nuit des temps. Et ce, malgré ses ravages. Chaque année, le salarié reçoit lors du traditionnel entretien d’évaluation sa note ou le commentaire de son supérieur en bonne et due forme. Et soyons honnête cet exercice est plus souvent raté que réussi. Dans le meilleur des cas la personne porte un regard constructif sur ses propres résultats durant l’année écoulée et elle a ainsi son mot à dire. Dans le meilleur des cas….
Personnellement je n’ai jamais eu connaissance d’une évaluation inversée dans cet exercice annuel. Avez-vous déjà observé un employé rapporter des faits de nature à évaluer son entreprise durant cet exercice imposé ? Il peur râler, parfois souligner des aspects négatifs au passage, mais il n’apporte pas son appréciation de manière réfléchie au même titre qu’il entend celle de son manager à son sujet.
Imaginez, en bas de la fiche d’évaluation, la mention contresignée « Cette année l’entreprise a modifié son processus de suivi des ventes à deux reprises : nous avons perdu du temps et de l’efficacité sans qu’on sache les motifs de ces aller-retours et ça ne marche toujours pas. J’aimerais que le principal objectif de progrès de l’équipe dirigeante de l’entreprise pour l’année prochaine soit d’apprendre à anticiper les changements de process impactant l’organisation de l’équipe de l’ADV».
…Marrant. Nulle doute qu’une telle approche adossée à l’avis descendant du n+1 amènerait un échange plus utile à la performance de chacun et de l’entreprise.
Laissons l’’entretien annuel. En dehors de celui-ci, un système d’évaluation de l’entreprise par ses salariés est possible. Ça existe d’ailleurs. Des enquêtes génériques internationales de satisfaction sont posées annuellement aux collaborateurs amenés à évoquer dans le détail tous les aspects de la qualité de vie au travail par un ensemble de questions très normées. Ça s’appelle Great PlaceTo Work®.
Le système débouche sur un baromètre diffusé en interne, un classement public des entreprises auditées ainsi qu’une certification mondialement reconnue. Surtout, cela devient un levier d’amélioration continue puissant. Une démarche exemplaire mais un peu écrasante. Elle peut faire hésiter longtemps certains chefs d’entreprise.
Ne peut-on pas démarrer plus petit, avec des approches intermédiaires ? La théorie des petits pas étant toujours bienvenue, quelques questions peuvent déjà être posées.
Même pas mal !
J’en viens à mon troisième argument. C’est probablement le meilleur : cette question est tout à fait inoffensive.
Pourquoi inoffensive ? Parce que dans tous les cas, ce ne sera jamais que de l’information supplémentaire pour vous aider à prendre vos décisions de dirigeant. Rien de plus.
Un pas de côté pour mieux avancer
Une chance de plus de faire bien, en profitant d’angles de vue que vous n’aviez pas. Vous découvrirez des aspects insoupçonnés et vous serez en mesure d’en tenir compte pour la suite des opérations. Ou alors vous n’apprendrez rien : un sujet ressassé et reporté va être à nouveau sur la table. Une occasion de le traiter ou en tout cas de planifier son traitement s’il est complexe ou couteux. Une occasion de vous expliquer auprès de vos équipes sur le sujet. Bref, voilà une occasion en or pour prendre vraiment le sujet en considération.
Considération
C’est le mot le plus fort pour traduire ma proposition. Prenez en considération les avis et préoccupations de ceux qui travaillent avec vous. Ce faisant c’est beaucoup plus que le problème que vous considérerez, ce sera bien sûr vos équipes.
Et cette considération va vous être précieuse. La question est inoffensive ; elle est aussi puissante. Vous allez considérer votre entreprise sous un autre angle, découvrir des imperfections corrigeables, arbitrer en meilleur connaissance de cause, améliorer le quotidien de vos équipes et rapprocher insensiblement votre perception de la leur…
Puissant. A cela, une condition. Soyez sincère dans votre démarche. La manipulation ou l’instrumentalisation possèdent -heureusement- des effets boomerang.
Envie d’essayer ? De considérer vos équipes et leur point de vue ? Vous serez surpris des effets.